Jeudi 17 sept 98

La rose violente

Œil en transe, miroir muet

Comme je m’approche je m’éloigne

Bouée au créneau

 

Tête contre tête tout oublier

Jusqu’au coup d’épaule en plein cœur

La rose violente

Des amants nuls et transcendants

René Char 1928

 

Lacan, comme le "Gentil”, pourrait mettre en origine un certain Ramon Lulle et son livre « le gentil et les trois sages » dans lequel il fait dialoguer les trois monothéistes avec le païen, lointain antécédent d’un certain Alexandre Kojève, pour qui d’avoir été intronisé comme le maître de J. Lacan n’ôtait pas la possibilité d’être très critique à l’égard de la psychanalyse lacanienne en particulier dans sa passe de la philosophie païenne de Thalès à Hegel. Ce même R. Lulle qui faisait de Jésus l’archétype du sujet de l’inconscient.

Cela pourrait mettre aussi en origine la controverse de Barcelone (à ne pas confondre avec la convergence) lors de laquelle avant 1492 (expulsion des juifs et des armées islamiques d’Espagne) s’inaugure, de façon douce, l’Europe chrétienne et la progressive élimination de la pensée judéo arabe (c’est-à-dire les langues sémitiques).

Le loing-près cher à Marguerite de Porète est d’une autre pointure car dans un éclair s’introduit par ce vocable le « ludus amoris », le va et vient de l’amour et du désir de Dieu, la jouissance et le plus de jouir. L’amour courtois courtise le cantique des cantiques. La même Marguerite indiquant que l’archétype est la vraie forme de l’âme.

L’archétype n’est évidemment pas sécrété par C.G. Jung comme la bile par le (a) foi (e) et s’il y a une dérive de l’archétype vers le nazisme ce n’est pas celle du cher Suisse mais bien celle de la chrétienté qui se fonde dans son hellénisme sur une werverfung de la loi au profit de la croyance. On ne manquera pas de remarquer que J. Lacan n’hésite pas a utilisé ce concept pas encore junguien et s’il n’en fera pas l’axe de son enseignement il n’est pas indifférent de rappeler que dès 1916 C.G. Jung intitulait un article : La structure de l’inconscient.

L’éclair de marguerite qui n’était pas moins Aimée que l’autre la conduisit au martyre et J. Lacan n’hésitait pas a indiqué que la passe n’était pas sans rapport avec l’éclair.

Cela nous conduit à une autre passe celle de la théologie claustrale par Marc François Lacan dont une thèse suivrait le trajet du seigneur, du bon passe teur de Saint Benoît à saint François de Sales. Un de ses soucis est de dégager la spécificité de la règle de Saint Benoît par rapport à la règle du maître d’où elle provient. La règle du maître stipule que l’on doit obéissance au bon pasteur, celle de Saint benoît ajoute : oui, mais amour de Dieu. C’est-à-dire selon la théologie claustrale : l’amour des lettres dans le désir de Dieu. Cela nous conduit directement à la rhétorique boroméenne du grand siècle. La règle du maître indique d’autre part que le directeur de l’école, l’abbé, nommera le moment venu son successeur ; celle de Saint Benoît le fera nommer par assentiment électif de la communauté.

J. Lacan en 1956 dans la direction de la cure met en lumière “les apories du bonheur d’Aristote à Saint François de Sales” ce qui laisserait à penser qu’il tente de se distinguer de ce dernier qui était l’archétype du directeur de conscience de ces dames comme l’indique le titre d’une ses œuvres : introduction à la vie dévote.

Il importe de préciser que si J. Lacan depuis son discours de Rome a tenté, dans une grande rigueur, d’assurer la discursivité de la psychanalyse c’est précisément dans un débat voilé avec A. Kojève qui indiquait que la discursivité est l’essence même de la philosophie païenne.

Le point qui réunit les deux frères Lacan serait d’avoir ôté de leur prénom celui de Marie. En 1950, à la suite d’une hallucination lors de laquelle Pie XII est visitée par la vierge, le Pape décide de porter au dogme son assomption chère à J. Lacan en 1949. C’est le trois plus une de l’église catholique. C. G. Jung fera l’interprétation psychologique de cette plus une. De même que plus tard il fera celle du mystère de la trinité. En 1964 J. Lacan fondera son école sur une base de trois plus Une, de même qu’il fera par son nœud borroméen mathème des mystères chrétiens. La limite supérieure des cartels étant dite 5 + 1 laissait hors du compte l’enseignement du maître qui se poursuivait : hors école.

Le successeur nommé selon la règle du maître limitera cette limite à 4 + 1 lui-même assurant la place du cinquième. L’on voit que J. Lacan reste ici comme le moins UN.

Pour conclure il me faut signaler qu’un certain Théophile Schuler, sorti des oblats salésiens, a fait un important travail inédit sur les correspondances entre l’amour de Dieu de Saint François de Sales si cher au cœur de M. F Lacan et les séminaires de J. Lacan sous le titre de la mystique structurale. Poussons la pointe de l’esprit jusqu’à faire remarquer que J. Lacan indiquait que Saint François de Sales s’inscrivait parmi les mauvais théologiens mais sans aller jusqu’à le traiter de mielleux alors même qu’il a usé jusqu’à la corde de la métaphore de l’S1 d’abeille pour parler de la communauté catholique.

Le grand siècle avait coutume de dire qu’il y avait les idées claires et distinctes de Descartes mais aussi d’un “je ne sais quoi” qui venait en troubler les certitudes.

Il est périlleux de sortir de la théologie chrétienne et catholique apostolique et romaine.

Déjà dans son Livre sur l’Eucharistie il pose un principe très contestable ; à savoir, que la religion est identique avec la vraie philosophie. Mais il va plus loin dans son ouvrage sur la division de la nature où il avance que Dieu est tout, et que tout est Dieu ; et tout ce qui est sorti de lui, divinisé un jour lui sera réuni de nouveau. Il divise tous les êtres en quatre catégories ; à savoir, la nature qui crée et n’est pas créée, c’est-à-dire Dieu considéré comme père et cause première ; la nature qui étant créée, crée à son tour : c’est le Verbe ou le milieu et le médiateur des choses ; la nature qui est créée et ne peut créer : c’est la créature ; quatrièmement enfin, nature qui n’est ni créée ni créatrice, c’est-à-dire Dieu comme fin dernière, en qui rentrent toutes choses. Ainsi, quoiqu’il ne l’exprime pas d’une manière formelle Scot fait entendre suffisamment qu’il veut parler ici du Saint-Esprit. 1

La nature qui crée et n’est pas créée, je la transforme en “la nature qui ne cesse pas d’écrire”. Entendez dans le ne cesse une nécessité.

La nature qui étant créée crée à son tour devient “la nature qui cesse de ne pas écrire”.

La nature qui est créée et ne peut créer, c’est la créature qui cesse d’écrire et la nature qui n’est ni créée ni créatrice pouvant se dire qui ne cesse pas de ne pas s’écrire.

La passe comme sortie du spéculaire, j’aurais du dire ma passe tant il me parait vrai qu’il n’y a de clinique que du psychanalyste. Impossible une clinique de type médical dans la mesure ou le nom patronymique participe de la clinique psychanalytique et que la cure se passe dans le secret dit professionnel. Cette question du secret devrait en bonne logique être levé par le passage justement de la position du dire à l’ouïr lors duquel le nom patronymique chute dans le nom commun.

Articuler cela à la règle comme appel à la désobéissance oblige à s’interroger sur la signification de cet acte par lequel 853 psychanalystes se sont solidarisés aux cinéastes (les réalisateurs). Il est clair que pour moi je ne fais pas de la règle psychanalytique une règle qui serait valable dans n’importe quelle situation sociale. J’ai néanmoins indiqué que cet appel était pour moi un acte psychanalytique. En ceci qu’il faut bien que le psychanalyste s’interroge sur son passage du dire privé dans la cure à l’ouïr toujours privé dans la cure et au dire qu’il tient dans le social (autrement dit ce que Lacan à la suite de Kojève nommera le discours psychanalytique) préliminaires a son ordonnancement dans les quatre discours, ordonnancement par lequel Lacan supprime le discours citoyen cher à Kojève justement.

Nulle disposition n’est impossible pour permettre à l’homme de se souvenir de Dieu, de le comprendre et de l’aimer mieux et plus. L’Incarnation du Fils de Dieu n’est donc pas impossible : il est le sujet 2 qui peut le mieux se souvenir de Dieu, le comprendre et l’aimer, c’est-à-dire qu’il peut se souvenir de Dieu, le comprendre et l’aimer mieux et plus que les anges et les autres hommes.

Jésus-Christ est le sujet des relations des trois personnes entre elles et des relations de l’homme à Dieu. Jésus-Christ est l’unique personne capable de servir de sujet de toutes les relations. On peut dire encore que Jésus-Christ est le médiateur entre Dieu et la création. Mais Jésus-Christ, Dieu homme, est aussi le suppôt, c’est-à-dire la personne qui “soutient” les deux natures, divine et humaine. Ce terme de suppôt se retrouve dans les questions 4, 5, 7 et 8 du chap. 11. Nous assurons que, si nous disons quelque chose contre la foi catholique, nous n’errons pas sciemment, mais inconsciemment, et nous soumettons notre doctrine à l’appréciation de la sacro-sainte Église romaine universelle, notre mère.3.

1. Johann-Joseph von Görres, La mystique divine, naturelle et diabolique. Jerome Millon..

2.RAYMOND LULLE , Principes et questions de théologie de la quadrature et triangulature du cercle. Sagesses chrétiennes.LES ÉDITIONS DU CERF, p 63

3. Ibid, p, 25